Vingt années de pérégrinations d'une petite cavalière devenue vétérinaire et ostéopathe...
De plus en plus de formations proposent d'enseigner la biomécanique de la locomotion du cheval afin d'améliorer l’entraînement musculaire et la performance sportive. Mais il est navrant de constater que trop souvent cela se limite à l'observation visuelle d'attitudes étayée par un exposé anatomique.
En réalité, la biomécanique est parfois bien difficile à saisir de manière exhaustive.
D'autant plus, si l'objet étudié est un centaure doté de deux sensibilités distinctes !
En toute logique, après 20 ans de recherche personnelle et d'échanges avec de nombreux professionnels, j'ai largement constaté que les observateurs ayant une approche sensible du vivant sont bien plus opérants dans ce domaine que la science et ses appareils de mesures. En 2004, pour l'obtention de mon doctorat de médecine vétérinaire, j'ai effectué une étude bibliographique sur la biomécanique de la colonne vertébrale du cheval aux 3 allures.
L'objectif que je m'étais fixé au départ, était de savoir qui des ostéopathes ou des professeurs d'anatomie vétérinaire de Maisons Alfort avait décrit le mouvement physiologique des vertèbres entre elles. En effet, à l'époque deux théories s'opposaient vivement sur interrelation entre la rotation axiale et la latéroflexion.
Ce travail a biensûr permis de valider les lois de Fryette décrit par les ostéopathes.
Dans un second temps, j'ai cherché à relier le détail du mouvement de la colonne vertébrale avec l'incurvation du cheval, exercice fondamental en équitation. Cette partie a été très décevante.
L’écueil principal que j'ai rencontré, fut la difficulté à définir la biomécanique des termes équestres basés exclusivement sur la perception du mouvement par le cavalier.
Avec cet échec, j'avais mis le doigt sur la principale problématique de l'étude de la locomotion du cheval : la perception et la retranscription de la qualité du mouvement.
Étant cavalière, suite à ce travail j'ai évidemment essayé de tâtonner un peu avec quelques montures. Mais connaître le fonctionnement de la colonne vertébrale ne m'a pas directement aidé à progresser en équitation car je n'arrivais toujours pas à faire le lien avec les sensations qui guident toute action équestre. Je manquais d'expérience et surtout d'encadrement pour corriger la justesse de mon équitation.
Il m'est alors apparu évident que toutes perspectives d'évolution devaient forcément passer par une collaboration plus étroite entre les scientifiques, les cavaliers expérimentés et les coachs sportifs. En 2005, les rares expériences de collaborations visaient essentiellement le haut niveau. Elles permettaient de très modestes avancées mais pas de réelles révolutions de la pratique équestre.
Mais l'envie était là.
Depuis 2010, les ponts entre cavaliers et scientifiques se sont multipliés et ils se sont peu à peu tournés vers le bien être du cheval. Il faut avouer que l'évolution du statut juridique des animaux en tant qu'êtres sensibles, a largement contribué à faire évoluer les mentalités.
Désormais les dérives de certaines pratiques équestres sont dénoncées et bannies. Les cavaliers se préoccupent de l'adaptation du matériel et remettent plus facilement en question la pertinence des techniques d’entraînement physique des chevaux.
Depuis longtemps, les praticiens ostéopathes se penchent naturellement sur ces questions de bien être et de résilience en équitation. Certains sont d'ailleurs à l'origine des travaux de recherches les plus révolutionnaires sur l'élevage et l'utilisation des chevaux de ces vingt dernières années.
Néanmoins leurs réflexions peinent à être reprises par l'ensemble des professionnels des sports équestres car elles sont essentiellement basées sur du ressenti manuel difficilement transmissible sur le papier..
D'ailleurs il faut aussi avouer que la querelle ayant opposé Dominique Giniaux et Jean Marie Denoix planent encore sur l'inconscient collectif du monde vétérinaire. Pour s'en convaincre, il suffit de lire sur les réseaux sociaux les nombreuses polémiques passionnées soulevées par les formateurs qui osent développer des concepts novateurs d’entraînement sportif et d'évaluation de la locomotion du cheval.. comment expliquer que depuis toutes ces années, malgré l'envie et les divers tentatives on progresse si difficilement ?
Personnellement, je pense que la science moderne en plaçant systématiquement la technologie au cœur de la réflexion, s'écarte peu à peu des lois de la globalité du vivant. Or, la biomécanique c'est avant tout l'étude du mouvement d'un système vivant et sensible.. Évaluer la qualité de la locomotion selon une échelle physique normée n'a aucun sens. Il est nécessaire d'individualiser les critères en y intégrant des paramètres sensibles tel que la souplesse, l'équilibre naturel et les émotions.
Et c'est ici que née toute l’ambiguïté des fameux « observables » de la locomotion du cheval.
Pour un bon nombre de personnes, les observables se résument à ce que l'on peut observer avec les yeux..
il est absolument nécessaire de rappeler que la définition d'une observable est tout autre... d'après le Larousse, une observable est un opérateur mathématique représentant une grandeur physique mesurable en théorie quantique.
Appliquée à la biomécanique équestre, les observables appartiennent à la physiques des corps en mouvement dans l'espace temps : cadence, rythme, tension, résistance émotionnelle, amplitude, souplesse, fluidité... etc.
L'observateur les appréhende avec la vue, à l'oreille mais surtout grâce au sens du toucher par la perception corporelle du mouvement initialement capté par le cavalier.
Ces observables de la biomécanique équestre sont donc la clé pour faire entrer un monde de perception dans la réalité cartésienne..
.. et ça c'est une révolution à l'époque actuelle ! En effet, le monde moderne accorde de moins en moins de crédit à toute ce qui ne peut pas se démontrer « scientifiquement », comprenez mesurer objectivement.
Or, le toucher et les sensations sont par essence subjectifs et la perception est relative à l'expérience.
Prenons l'exemple du vent.
Le vent est invisible pour l’œil. Pourtant on peut facile constater son existence : par son action sur le feuillage d'un arbre, la sensation de son passage sur notre visage. Ce qu'on objective c'est le vent en mouvement dans un espace temps.
Si l'on veut faire une représentation du vent dans un dessin, on va mettre en scène l'action du vent.
Par exemple, dessiner des arbres courbés dans une tempête, des cheveux qui voltigent dans une brise, de l'herbe agitée par le mistral..
Mais toutes ces représentations ne parleront aux spectateurs uniquement si ils connaissent les différents éléments du système, et mieux encore si ils l'ont expérimentés. Une personne ne connaissant pas la nature et les cyprès, ne verra pas la tempête, mais seulement des arbres qui poussent en retombant sur le sol.. L'étude « purement scientifique » de la locomotion du cheval se heurte ici à une limite. Décrire avec précision les plus subtiles variations du mouvement du cheval pour les transmettre à des observateurs n'ayant jamais pratiqué l'équitation. À l'heure actuelle, Le principal défit des formateurs est donc d'arriver à intégrer des paramètres tels que la tension physique, les résistances émotionnelles et l'harmonie du mouvement à l'analyse globale de l'attitude anatomique. Pour ce faire, les moyens d'investigation scientifiques modernes étant trop limités, seuls les personnes capables de placer la perception du mouvement au centre de l'analyse de biomécanique sont capables de progresser de manière pertinente.
Quant aux applications de théorie quantique dans le domaine équestres ce n'est évidemment pas pour tout de suite.. mais je ne serai pas étonnée que des esprits ingénieux soit un jour capable de mettre en équation l'action de l'intention et de la visualisation...
Enfin, l'espoir fait vivre !
Dr vet émilie Salesse
Pour télécharger ma thèse de doctorat vétérinaire de mars 2005, dans laquelle le mouvement intégral de la colonne vertébrale est décrit selon la théorie de Fryette : https://docplayer.fr/37109274-L-action-du-cavalier-sur-le-dos-de-son-cheval-application-dans-les-principes-de-l-art-equestre-etude-bibliographique.html
Remerciements à mes professeurs
il y quelques mois je me suis demandais pourquoi je montais à cheval ?
après quelques heures de réflexion, la réponse était simple et pratique : pour devenir une meilleure personne.
je pratique l'équitation depuis l'âge de 4 ans, j'en ai 44.
quatre décennies durant lesquelles il y a beaucoup de personnes très différentes les unes des autres qui ont contribué de prêt ou de loin à faire la cavalière et la femme que je suis aujourd'hui.
mille merci à vous tous !
les instructeurs et moniteurs d'équitation qui ont étayé même très ponctuellement mon équitation
pounie et jean marc du poney club des jalles, jean yves pillard, stephane cozic, corine boulet, michel cizeron, yves suchet, hélène martineau, aurélie chery, thierry lacour, cynthia duval, cecile piquet, laurent mezailles, emilie kelso haillot .. et ceux que j'oublie..
et les professeurs et confrères vétérinaires qui ont exercé une influence particulière sur ce parcours
didier caquet, christophe degueurce, hélène de champi, francis desbrosse, marc baudoux, jean marie denoix, bruno sabatier, jean claude colombo, brigitte lottier, christian gondron, pierre tricot, patrick chene,
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